Rue Commune vise à repenser la rue métropolitaine ordinaire, sa vocation et ses usages : mobilité, biodiversité, déambulation, bien-être… Originalité dans cette démarche de communs, elle est portée par trois acteurs privés : le groupement Richez_Associés, Leonard[1] et Franck Boutté Consultants.
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Etienne Bourdais, directeur du développement opérationnel de la plateforme Leonard, nous raconte : « Rue Commune est née pendant les confinements de 2020 qui ont vidé les rues, révélant tout un potentiel urbain. De ce constat est né un manifeste, lu plus de huit mille fois sur Internet. L’Appel à communs de l’ADEME a été l’occasion de transformer ce manifeste en projet et de l’étendre à toutes les métropoles françaises. Trois sujets concernent ces rues : la mobilité urbaine, l’ICU[2] et la biodiversité et les nouveaux usages en ville. Leur croisement donne naissance à des systèmes complexes dont les solutions ne sont pas seulement technologiques et nécessitent de nouvelles façons de penser et de co-concevoir avec les administrés. Il nous fallait une nouvelle méthodologie pour rendre possible la transformation de ces espaces publics. Notre objectif est donc de donner aux acteurs publics un guide, résultat d’un travail partagé par toute la communauté, pour leur donner les clés de cette transformation. Organiser cette communauté a pris du temps : douze mois durant lesquels ont été organisées des tables rondes, réunissant plus de soixante-dix experts, puis une consultation nationale qui a rassemblé plus de 25 000 participants, donné lieu à 200 000 votes et 780 pistes de projet, qui sont autant de ressources de ce commun. Aujourd’hui, la communauté concentre plus de 1 200 acteurs, de la maîtrise d’œuvre aux entreprises de construction, ce qui est déjà une réussite, car l’organisation dans ce domaine est généralement très séquentielle : les intervenants en amont communiquent trop peu avec ceux qui construisent ensuite, ce qui peut être source de contre-performances et de frustrations ! Étonnamment, c’est la gouvernance qui a nécessité le plus de travail. Lors de nos ateliers, il nous a fallu expérimenter de nouvelles manières de faire ! En effet, la loi MOP [3], relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, fait de l’expertise du concepteur une propriété qui lui est vitale. Or là, il a fallu accepter que des concurrents traditionnels dans les appels d’offres communiquent et échangent sur leur expertise, ce qui n’a pas été simple au début ! C’est l’enjeu de la résilience climatique qui a permis de dépasser cet obstacle, car chacun a conscience que, seul, la capacité d’action est limitée. Nous avons été accompagnés par l’ADEME à travers une phase d’acculturation pour comprendre le fonctionnement d’un commun afin de lever les réticences : comment ça se pilote, comment partage-t-on ce savoir à la fin, comment est-il utilisé, commercialisé… Et la communauté a créé ses règles : communication au nom du groupement seul, création d’un site Internet permettant de suivre l’avancement du raisonnement au fur et à mesure, création d’une marque déposée. Finalement, pour nous tous, c’était une grande première de se lancer dans l’aventure des communs ! Le guide a été rendu public fin mars. L’étape d’après est le déploiement de la méthodologie avec d’autres partenaires, publics et privés, qui vont rentrer dans la communauté pour passer à la mise en œuvre opérationnelle, capitaliser des retours d’expériences et partager ce langage commun de la rue ordinaire du XXIe siècle. »
1 – Leonard est la plateforme de prospective et d’innovation du groupe VINCI
2 – Ilot de chaleur urbain : phénomène d’élevation de la température en milieu urbain par comparaison avec un territoire rural
3 – Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée.